Les audiences du procès qui oppose le ministère public et plusieurs parties civiles contre les prévenus Bahati Lukoo Emmanuel, Conservateur de l’environnement au sein du PNKB et Mugaruka Katembo Rodrigues, Directeur adjoint du Parc national des Virunga se sont poursuivies mercredi 17 juillet 2014 au palais de Justice militaire, situé dans le camp Katindo, en plein coeur de la ville de Goma.
Membres de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN), les deux prévenus sont poursuivis pour meurtre, incendie volontaire, pillage et destruction méchante lors de la manifestation des spoliateurs du Parc National des Virunga.
Siégeant en matière répressive au premier degré, la Cour Militaire du Nord-Kivu a poursuivi l’audition des parties civiles constituées de Bikanaba Kanane Courage, Civurunga Kashindamuko, Pandasi Malenga et Cikuru Bahati et même des prévenus Emmanuel Lukoo et Mugaruka Rodrigues. Lors de l’audience, chaque partie a détaillé les évènements qui se sont déroulés en octobre 2022 près de Nzulo, en plein Parc national des Virunga.
Il s’en est suivi une déposition d’un témoin et même des renseignements des certains militaires qui étaient en pleine opération avec les gardiens de la biodiversité de l’Institut Congolais pour la Conversation de la Nature (ICCN). Pendant plus de trois heures, le colonel Kabeya Ya Hanu Ben, Premier Président de la Cour militaire et toute son équipe ont entendu les arguments de deux parties qui se sont présentées, bien-sûr avec leurs avocats.
Pour la suite du dossier, la Cour a décidé de renvoyer des audiences au mercredi 24 juillet 2024 au même endroit. Ce délai permettra aux différentes parties de compléter leurs investigations et de présenter des preuves supplémentaires sur le dossier. Bien que l’audience de ce mercredi était très accentuée, la Cour Militaire du Nord-Kivu se prépare à un examen minutieux des faits pour garantir l’intégrité de la justice Congolaise et protection des droits de tous les citoyens impliqués dans cette affaire de continuation.
Signalons qu’en 2022, trois personnes dont deux civils et un commandant de la force mixte FARDC-ICCN-PNC avaient été blessées dans le sous-secteur de Nzulo, situé dans le Parc national des Virunga, entre Sake et la ville de Goma. Selon les informations nous prévenues Mugaruka et Emmanuel Lukoo, environs 200 personnes munies d’armes blanches avaient bloqué la route nationale numéro 2 entre Goma et Sake avant de s’en prendre à la force mixte, instituée par le Gouverneur militaire, à l’époque Constant Ndima Kongba.
Les dirigeants du Parc national des Virunga ont toujours décrié l’envahissement du village Nzulo. En exécution de la loi sur la conservation, le Lieutenant-Général Ndima Kongba Constant avait déployé 124 éléments de la force ICCN-PNC et FARDC pour empêcher l’exercice de toute activité contrainte à la conservation de la nature, dans le Parc national des Virunga.
Deux experts de l’ICCN accablés à la justice ?
Malgré les dénonciations des acteurs environnementaux sur le braconnage, l’exploitation des bois, la vente des minerais, des ivoires, et d’autres espèces rares dans le joyau parc national des Virunga, rien n’a changé du coté des plusieurs habitants. En cette période ou la République Démocratique du Congo fait face à une guerre d’agression rwandaise, le PNVi est devenu un champ pour certains déplacés qui se livrent à l’exploitation des bois, via des planches et braises. Il en est de même pour les rebelles du M23 qui, selon plusieurs sources, ont détruit en grande partie le Parc national des Virunga, dans le secteur sud. Sur place, beaucoup d’espèces, principalement des gorilles ont quitté leurs milieux d’habitats suite aux détonations d’armes qui retentissent chaque jour autour, et même dans le Parc des Virunga. Avec la guerre, les éco-gardes de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) ont été contraints de faire impeccablement leur travail, suite à l’insécurité grandissante dans la zone.
Le dossier opposant le ministère public et des parties civiles contre deux experts en matière de conservation de la biodiversité du PNVi pourrait, dans le futur alimenter des remus non seulement dans le chef des populations civiles mais aussi au sein même du Gouvernent congolais. Emmanuel Lukoo et Rodrigues Mugaruka, sont deux agents de l’ICCN avec des parcours purement atypiques dans le monde de la conservation.
Qui est Mugaruka Katembo ?
Né le 27 Novembre 1975 à Kabushwa dans la province du Sud-Kivu en RDC, Mugaruka Katembo Rodrigues est un Licencié en sciences, option Biologie, orientation Ecologie et Gestion des Ressources Animales de l’Université Officielle de Ruwenzori. Il est aussi titulaire d’un diplôme d’Etudes approfondies en Ecologie, Gestion de la biodiversité et Environnement de la faculté des sciences agronomiques de l’Université de Lubumbashi.
Il était engagé au Parc National des Virunga pour la conservation de la nature en 2003. Actuellement, il assume la fonction de Directeur et chef du parc adjoint après avoir été au PNKB et dans les Parcs nationaux du Katanga. A Upemba et au Kundelungu, il intervenait dans le domaine d’Application de la Loi pour la Lutte Anti-Braconnage, l’Inventaire biologique, la Restauration Ecologique et paysage et l’Exploitation durable des Zones Humides en faveur des générations présentes et futures.
En 2010, le Parc National des Virunga était victime de l’exploitation pétrolière par le Gouvernement Congolais. Et pourtant, cette décision est contraire à la Loi relative à la conservation de la nature en République Démocratique du Congo, aux statuts de site Ramsar et de site du patrimoine mondial de l’UNESCO dont jouit pleinement cette entité écologique majeure pour le monde entier. C’est ainsi que Mugaruka Katembo Rodrigues a été dans l’obligation de combattre le projet par le moyen non violent mais au risque de sa vie. Dans vie professionnelle, il a traversé des moments forts et délicats dans le but de protéger les aires protégées de la RDC.
Au PNVi, Mugaruka Katembo Rodrigues est confronté à des problèmes de forestation, de braconnage, de vente des terres au sein du parc par des notables et détenteurs de pouvoir. Sa lutte contre ces crimes environnementaux et son refus d’accepter les pot-de-vin pèse actuellement sur sa vie , ce qui lui a d’ailleurs amener devant la barre.
Qui est Emmanuel Lukoo ?
Né le 20 decemebre 1987 à Mihanga dans le groupement de bashali Kaembe, chefferie de Bashali, dans le territoire de Masisi en province du Nord Nord-kivu, BAHATI LUKOO Emmanuel est Licencié en Gestion de l’environnement Tourisme et Conservation de la Nature. Passionné de la Sauvegarde de la biodiversité, il débuta sa carrière de garde forestier en 2011 au Parc National des Virunga. Dans sa mission, il a contribué à l’amélioration de la conservation du Parc National des Virunga et d’autres aires protégées qui partagent le même paysage avec le parc de Virunga. En 2012, il a obtenu la fonction de chef section dans le secteur sud du PNVi à Rumangabo pendant une année avant d’être nommé comme responsable de la lutte anti-braconnage dans le secteur Nord du Parc Nation des Virunga à Mutsora entre 2013 et 2016.
Entre 2017 et 2018, il a été nommé au poste de commandement de l’unité d’intervention rapide (QRF) au PNVi après avoir suivi une formation spécialisée en rapport avec cette responsabilité. Avant de se séparer du PNVi et aller apporter son expertise ailleurs de manière permanente, il aussi occupé le poste de chef de secteur Adjoint de Mutsora dans la partie Nord du parc pendant avant d’être nommé chef du secteur Sud entre 20219 et 2023. Il a , par la suite rejoint, sur décision de la direction générale de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature, le Parc National de Kahuzi Biega (PNKB) qui est l’un des deniers refuge de conservation de l’espèce de gorille . Sur place, il assume la fonction de chef de site adjoint avec comme mission principale la protection de l’habitat de cette espèce endémique en luttant Contre l’exploitation des minerais, la carbonisation et autres activités illégales.
Pendant 13 ans de carrière de garde forestier, bien qu’ayant été basé dans deux aires protégées et Patrimoine Mondial, BAHATI LUKOO Emmanuel a apporté une contribution significative à la conservation de la Biodiversité dans les aires protégées du Rift albertin. La position géostratégique du parc des Virunga où il a débuté sa carrière lui a permis de collaborer avec les gardes forestiers du Parc Queen Elizabeth (Ouganda) dans la lutte contre le trafic des espèces sauvages entre la RDC et l’Ouganda. Il a également collaboré avec les gardes forestiers du Parc du Volcan au Rwanda dans la protection des gorilles des montagnes. Cette collaboration portait sur l’organisation des patrouilles transfrontalières de lutte anti braconnage, le nettoyage et le recensement des populations des gorilles dans le paysage Virunga.
En 2021, il a été l’un de deux initiateurs du tournoi de Football dénommé « Alliance Virunga », un tournoi qui regroupe les entreprises publiques de l’état par lequel le parc sensibilise ces dernières sur la protection du Parc . La même année, il a créé une structure dénommée « VIRUNGA FOOTBALL ACADEMY » avec comme objectif l’encadrement des jeunes riverains du parc afin de les préserver contre les éventuels enrôlements dans des groupes armés considérés comme le premier destructeur du Parc et Créer une cohabitation entre cette jeunesse qui est l’avenir du pays et les Eco-gardes.
Les acteurs environnementaux appellent à une mobilisation générale
Depuis plusieurs années, les acteurs environnementaux et défenseurs des droits humains ont toujours dénoncé l’implication de certains officiels congolais et opérateurs économiques dans la spoliation de la partie Kasengesi, autour du village de Nzulo. Ceux-ci estiment que les spoliateurs du Parc national des Virunga ont toujours lié les poursuites judiciaires à l’engagement de Mugaruka Katembo Rodrigues et Bahati Lukoo Emmanuel, dans la lutte en faveur du climat contre les ambitions d’extraction, trafics, … Par la même occasion, les défenseurs de l’environnement appellent à une forte mobilisation pour protéger la biodiversité du Parc national des Virunga.
« Nous appelons les autorités congolaises, l’opinion nationale et internationale de suivre de près cette situation de criminalisation contre ces deux défenseurs environnementaux », a laissé entendre Me Olivier Ndoole, un éminent défenseur de l’environnement.
Magloire Tsongo à Goma