Le coordonnateur du Bureau d’Etudes Scientifiques et Techniques (BEST), basé à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) a reçu mercredi dernier le prix du « Courage Civil 2024 » à New-York, aux États-Unis d’Amérique.
Ce prix récompense son engagement pour la liberté et la justice face aux conflits alimentés suite à l’exploitation minière dans les provinces du Nord et Sud-Kivu. Philippe Ruvunangiza devient le deuxième congolais à recevoir ce prix après le célèbre gynécologue, Docteur Denis Mukwegue et lauréat du prix Nobel de la paix 2018.
Dans un discours occasionnel, M. Ruvunangiza se dit fier et honoré de paraître aux côtés des grandes figures qui lui ont précédé. Il a, par la même occasion dédié cette distinction aux victimes de l’exploitation minière à Mwenga, dans le Sud-Kivu. Tout en dénonçant les réalités dramatiques de la population congolaise face à la cupidité pour des ressources naturelles dans les régions minières du Nord et du Sud-Kivu, Philippe Ruvunangiza se dit convaincu que la clé de la fin de la violence en RDC se trouve aux USA.
« C’est avec une grande humilité que j’accepte ce prix. Je suis fier et honoré de paraitre aux côtés de tous ces grandes figures qui m’ont précédé comme lauréat de ce prix d’une importance cruciale. Tout de ces militants éminents ont consentis d’énormes sacrifices pour défendre les droits fondamentaux à la dignité, à l’équité et à la justice. Ce sont des personnalités inspirantes pour moi et pour tous ceux, connus ou inconnus, qui travaillent inlassablement pour la défense des droits humains y compris le Fonds pour les Droits Humains Mondiaux qui me soutient depuis 11 ans, J’aimerai leur rendre un hommage très spécial ! Au début, je ne savais pas par où commencer pour répondre à ces questions difficiles, mais lorsque j’ai réalisé que toutes ces horreurs avaient été perpétrées par cupidité pour les ressources minérales naturelles de mon pays, j’ai décidé de concentrer mes efforts sur l’amélioration de la gouvernance de ces ressources et ainsi contribuer à la création d’une société plus juste et plus humaine« , a-t-il déclaré.
Et de poursuivre : « C’est une bataille difficile. Nous nous battons contre toutes sortes de personnes sans scrupules qui menacent toute la société civile et bien sûr ma propre organisation ! J’ai personnellement été victime d’intimidations, des menaces d’hommes armés et même d’atteinte à mon intégrité physique ; les conséquences de ces violences ont amené des médecins à m’arracher une dent. Ce courage, je le partage avec des nombreuses personnes et institutions qui m’ont soutenu depuis des longues années. Je pense spécialement à ma famille, à mes collègues de travail et à tous les défenseurs des droits humains dans le monde. Je pense en particulier aux populations de Kitutu en Territoire de Mwenga au Sud-Kivu en proie à des pratiques d’esclavage moderne ; je leur dédie ce prix dont le montant servira à soutenir les activités de l’association de victimes qu’elles ont mis en place pour défendre leurs droits« , poursuit-il.
A haute voix, il a invité Washington à mettre la pression sur les envahisseurs de la République Démocratique du Congo en l’occurrence le Rwanda.
« Comme pour l’apartheid en Afrique du Sud et le commerce illégal de diamants de sang en Angola, les guerres au Congo peuvent prendre fin si vous faites pression sur vos dirigeants et vos chefs d’entreprise pour qu’ils agissent maintenant.Cependant, la vie des centaines de victimes du génocide rwandais charriés par les eaux de la rivière Ruzizi, les centaines de milliers de personnes entassées dans des camps de réfugiés, la marche au milieu des cadavres en décomposition des personnes assassinées aveuglement parmi lesquels Monseigneur Munzihirwa, d’heureuse mémoire et abandonnés dans les rues de ma petite ville de Bukavu et parfois dévorés par des chiens, le creusage des fosses communes à la hâte pour enterrer des proches, les récits des femmes violées brutalement en présence de leur proches, éventrées, parfois enterrées vivantes, d’hommes décapités, contraint à violer leurs enfants ou leurs parentes proches, les attaques contre les camps de réfugiés à l’arme lourde et automatique, le spectacle révoltant d’enfants décharnés au corps décharnés par la faim et autres atrocités ont radicalement changé ma vie et m’ont fait prendre conscience de ma responsabilité personnelle de veiller à ce qu’une telle situation ne se reproduise plus jamais dans mon pays et dans notre belle région des Grands Lacs« , a-t-il insisté.
Pour rappel, depuis plusieurs années, Philippe Ruvunangiza coordonnateur de BEST a milité pour amener l’Etat congolais et les sociétés minières à être responsables envers les communautés touchées par l’extraction minière dans l’Est de la RDC. Malgré les menaces de mort, celui-ci promet de poursuivre son combat.
Magloire Tsongo à Goma
